LinkedIn se lance dans l’orientation des étudiants et le classement des universités avec « LinkedIn for Education »

« Quel est le métier de vos rêves ? Trouvez l’école parfaite pour l’obtenir. »
Telle est la promesse du nouveau service de LinkedIn : le « Decision Board », lancé en octobre 2014.
S’intégrant en fait dans le programme plus global « LinkedIn for Education », ce nouvel outil révèle l’intention de LinkedIn de devenir un acteur-clé dans le domaine de l’éducation et notamment de l’enseignement supérieur.
Avec LinkedIn, on pouvait déjà entretenir ou développer son réseau et trouver un job.
Aujourd’hui, on peut aussi trouver une école ou une université.
En se développant sur ce nouveau marché, LinkedIn compte séduire les plus jeunes (lycéens, étudiants), encore peu présents sur la plateforme (notamment dans une démarche de recherche d’école), et se positionner comme un partenaire privilégié d’un parcours professionnel, du choix d’études à la mobilité professionnelle tout au long d’une carrière.
Revue de détail.

Présentation de LinkedIn for Education

Accueil Études supérieures   LinkedIn
– Un classement des universités (ranking), en fonction de grands domaines d’activités (actuellement au nombre de 8 : comptables, professionnels des médias,…) pour les USA, le Canada et la Grande-Bretagne. Le top 3 des universités pour chaque domaine est affiché en page d’accueil. Il s’agit ici d’un classement brut, avec peu de possibilités de filtrage, donc peu personnalisable par l’utilisateur. Le déploiement de ce classement dans d’autres pays dont la France est prévu, mais le calendrier n’est pas connu à ce jour.
– University finder : en sélectionnant trois critères (domaine d’études, entreprise dans lequel on souhaite travailler, lieu géographique), LinkedIn nous livre le top des « écoles populaires », triées par ordre décroissant.
Point important : le top est limité aux 30 premières écoles / universités qui répondent aux critères sélectionnés.
– Chercher un domaine d’études : il s’agit ici d’une fonctionnalité sociale qui permet de trouver des personnes qui ont le parcours recherché par le candidat à une école ou une université (Lieu, entreprise et universités d’études).
– Le « decision board »  (ou « page de sélection » en français).
Page de sélection   LinkedIn
Plutôt complexe à appréhender, c’est le coeur du nouveau dispositif, qui permet aux lycéens / étudiants de choisir leur école ou université : en sélectionnant un domaine d’études ou une école / université, l’utilisateur peut voir les autres personnes qui s’intéressent aussi à ces critères ou les anciens (et éventuellement entrer en contact avec eux), ajouter cette sélection à son profil ou le partager à ses contacts, participer à une discussion sur l’école ou le domaine sélectionné avec les autres personnes intéressées.
Pour la sélection d’université, LinkedIn va même jusqu’à donner la possibilité à l’utilisateur de sélectionner l’avancement de sa candidature (« Intéressé », « candidature envoyée », « accepté(e) », « y va »).
Le Decision board peut être privé, mais l’utilisateur peut également faire le choix de partager sa page de sélection.

Les pages écoles, coeur du dispositif

 Université Lumière  Lyon II    LinkedIn
Ces 4 fonctionnalités s’articulent en fait autour des pages écoles. Après avoir généré ces pages à la volée à partie d’août 2013, LinkedIn a ensuite abonné (depuis le début de l’année 2014) par défaut les personnes qui avait renseigné dans leur profil leur(s) université/ école, de telle sorte que les pages écoles possèdent peu de temps après leur lancement une moyenne d’abonnés assez importante.
A noter qu’il existe une distinction entre le fait d’être un ancien et le fait d’être un abonné : une personne peut être un ancien d’une école et peut se désabonner de son flux d’information ; de la même manière une personne qui n’a pas étudié dans une école peut s’y abonner.
C’est ainsi que certaines pages écoles possèdent moins d’abonnés que d’anciens, le delta étant sans doute généré par les personnes s’étant désabonnées de la page école, alors que les écoles et universités à forte notoriété possèdent plus d’abonnés que d’anciens.
Les pages écoles se composent de quatre onglets :
– Une page d’accueil, avec les top domaines et entreprises dans lesquels travaillent les anciens, des informations de contact et un champ de publication : n’importe quel utilisateur peut publier sur cette partie (même un non ancien)
– Personnalités : si l’établissement n’a pas revendiqué sa page école, l’algorithme de LinkedIn identifie des anciens ayant des profils intéressants (CEO, CTO, CFO…). Si l’école ou l’université gère la page, elle peut choisir les anciens à mettre en avant dans cette rubrique, dans une limite de 50 anciens.
– Étudiants et anciens élèves : annuaire des anciens, avec une recherche full text et un tri possible par année d’études
– Recommandation des anciens (il faut certifier avoir étudié dans l’école pour pouvoir faire une recommandation).
Le gestionnaire de la page (il faut au préalable revendiquer la page à partir d’un profil ayant un mail identique au domaine de l’établissement) peut publier des informations aux abonnés de la page.
Fonctionnalité intéressante : il est possible de segmenter les abonnés en créant une cible personnalisée (filtrage géographique, par secteur, par entreprise, par ancienneté, poste, études et formations, langue)
A noter que la page ne peut pas adresser des messages en filtrant les personnes ayant ajouté la page à son décision board.

La recette savante du ranking

Si le decision board met en retrait le classement des universités, l’ensemble du dispositif est tout de même basé sur ce ranking, lui-même basé sur les carrières des anciens, ou du moins ce qu’ils ont saisi dans leur profil LinkedIn.
Plus précisément, LinkedIn va classer les universités et écoles par domaines en fonction des diplômés qui travaillent dans ce même domaine (données limitées aux anciens ayant obtenu leur diplôme depuis 8 ans ou moins) : c’est ce que LinkedIn identifie comme « diplômés pertinents ».
Ensuite, LinkedIn évalue la « désirabilité des entreprises », avec un algorithme qui identifie d’une part l’attractivité des entreprises (si des salariés d’une entreprise A sont ensuite recrutées par une entreprise B, cette dernière entreprise sera plus « désirable » que l’entreprise A) et d’autre part la capacité des entreprises à retenir leurs salariés (critère de durée de l’emploi). Le classement des universités et écoles par domaine est donc calculé en fonction du pourcentage des « diplômés pertinents » ayant obtenu un emploi dans une « entreprise désirable ».
En théorie, cet algorithme semble donc favoriser les écoles et universités spécialisées au détriment des établissements très interdisciplinaires.
Il est également probable, bien que je n’ai pas eu de confirmation, que le nombre de recommandations et de création de decision board intégrant une école rentrent en compte dans le ranking.

Le decision board est-il un outil pertinent pour les étudiants ?

Évidemment, la première question que l’on se pose après le lancement du service est de savoir si les lycéens et étudiants vont utiliser cet outil.
Mais au delà de la communication, cet outil est-il adapté aux lycéens ou étudiants en recherche d’une formation dans le supérieur ?
Coupons court au fantasme du nouvel outil qui ringardise et relègue les anciennes pratiques aux oubliettes.
LinkedIn for education ne fera pas disparaître les conseillers d’orientation, pas plus que les cours en ligne ne tueront les universités ou l’enseignement présentiel : le nouveau service de LinkedIn est simplement un outil qui vient s’ajouter aux autres, et ne remplacera ni les conseils personnalisés d’un professionnel (conseiller d’orientation), ni les discussions et échanges avec des amis ou des proches, ni les portes ouvertes ou salons et tout les éléments qui rentrent en compte dans le choix d’une formation.
Pour autant, LinkedIn rentre en concurrence frontale avec les classements académiques des écoles et universités.
Et sur ce terrain,  LinkedIn a clairement un avantage concurrentiel : les données.
Car le corpus de LinkedIn for education est gigantesque : 300 millions de comptes, mis à jour…par les utilisateurs eux-mêmes.
LinkedIn possède plus de données sur les anciens d’une université qu’elle-même n’aura jamais.

Un « ranking-killer » ?

Il paraît évident que, pour un étudiant, un classement qui prend en compte ce que sont réellement devenus -professionnellement- les anciens d’une école ou université à partir d’une base de données gigantesque apparaît beaucoup plus intéressant et pertinent que des classements académiques prenant en compte des indicateurs quantitatifs finalement très éloignés de ses préoccupations.
En quoi le nombre de publications dans Nature ou Sciences, de médailles fiels ou de prix nobels peut aider un étudiant à trouver une université adaptée à son projet professionnel ?
Les classements académiques, qui prennent en compte essentiellement des critères quantitatifs, utilisent des données déclarées par l’école (salaire moyen, temps d’accès au premier emploi) ou des critères de performances souvent basés sur la quantité de publications scientifiques.
Si le classement de LinkedIn reste du quantitatif, il n’en reste pas moins que les données sur le devenir professionnel des anciens apparaissent très pertinentes, et qu’elles sont de plus saisies par les anciens eux-mêmes.
On retrouve aussi toutes les spécificités du web 2.0, dans lequel on choisit et sélectionne selon les avis de ses pairs.
Sauf qu’il ne s’agit pas ici d’avis, avec une part de subjectivité, mais d’une réalité professionnelle.
L’autre atout, lié également aux données dont LinkedIn dispose, est la capacité de l’outil à connecter l’étudiant qui cherche une formation avec d’autres étudiants intéressés, des étudiants actuels de cette université, des anciens, et même l’établissement en question.

On imagine  aisément que les discussions sur les espaces publics (recommandations sur les pages écoles, commentaires sur les pages de sélection) seront engagées sans doute de manière plus « civilisée » et « inhibée » que sur les forums, les utilisateurs s’exprimant avec leur identité professionnelle, et de plus sous le regard de l’école.
Tout intéressant qu’il soit, le ranking de LinkedIn n’a pourtant rien d’universel, puisque quantitatif et essentiellement basé sur la carrière professionnelle des jeunes diplômés, en partant du principe que rester longtemps dans un poste est un signe de réussite professionnelle, ce qui est, comme n’importe quel critère, discutable .
Le decision board n’est donc pas le nouveau conseiller d’orientation, il est tout simplement un outil qui semble être pertinent si l’on considère le devenir professionnel des étudiants.
Un outil de notre temps, ou les algorithmes, les classements et la recommandation constituent des aides à la décision, dans une époque ou le rationnel importe plus que l’affectif et ou ce qui peut être compté compte parfois plus que ce que nous sommes.

Quels enjeux pour les universités et écoles ?

Dans l’enseignement supérieur, on avait habitude d’entendre dire « LinkedIn c’est pour les anciens ».
Changement de paradigme : LinkedIn, c’est désormais aussi pour les futurs étudiants et le recrutement.
En terme de gestion d’espaces, les pages écoles viennent s’ajouter aux groupes, utilisés pour faire vivre les communautés d’anciens, et les pages entreprises, destinées à une communication pus corporate et recrutement.
Avec les pages écoles, les community managers de l’enseignement supérieur reçoivent donc un troisième espace à animer sur la plateforme LinkedIn, avec toutes les conséquences que cela implique en terme de positionnement éditorial et de temps d’animation.
Si les groupes LinkedIn constituent dans un certaine mesure une concurrence avec les plateformes d’anciens développées par les universités, il n’en reste pas moins que si ces dernières ont énormément de mal à trouver leur place (à part quelques cas exceptionnels), cela est sans doute plus du à des problèmes endogènes (manque de clarté dans les objectifs initiaux) ou exogènes (il est extrêmement difficile de faire s’inscrire et surtout de faire revenir des membres d’une communauté sur un outil dédié si le service rendu n’est pas optimal) , qu’à la présence des groupes LinkedIn.
Les pages écoles ne semblent pour l’heure pas rentrer véritablement en concurrence avec les sites web des universités et écoles, mais plutôt s’ajouter à ses côtés au parcours typique des lycéens et étudiants en recherche de formation, à la fois en tant qu’outil d’acquisition (à l’instar des sites web via le SEO, Admission Post-Bac, les forums, les salons ou la recommandation sociale) et en tant qu’outil de décision (à l’instar des sites web, des portes ouvertes et de la recommandation sociale).

Rent, Own, See ?

Pour reprendre la distinction d’Avinash Kaushik (qui sépare les outils de la communication digitale selon si la marque est propriétaire du support, comme pour le site web, ou locataire, comme pour les pages et espaces des marques sur les réseaux sociaux), les écoles et universités sont évidemment locataires (rent) de cet espace, ce qui signifie qu’elles sont dépendantes des conditions générales de la plateforme LinkedIn, des changements et évolutions du service.
Mais cela n’est pas forcément un problème en soi, à condition toutefois que LinkedIn implique les établissements d’enseignement supérieur (et pas seulement US) dans sa réflexion.
Mon point de vue sur ce sujet est qu’il est parfois plus intéressant d’être locataire dans une maison dans laquelle on peut rencontrer beaucoup de monde (et toucher ses cibles), que propriétaire dans une maison ou l’on est…seul.
Certes, on ne peux pas refaire les sols dans une maison en location, mais est-ce le plus important ?
Il est clair cependant que dans cette tendance d’utiliser des outils « rent« , les marques et les établissements d’enseignement supérieur ne possèdent pas plus les données de leurs cibles (prospects, clients pour les entreprises, futurs-étudiants et anciens pour les universités) qu’elle ne les louent.
Autrement dit, sur les données, ce n’est plus du own, ni du du rent, mais du…see, un modèle dans lequel la marque, l’université ou école n’a que peu de marge de manœuvre sur les espaces qui portent son nom sur les plateformes de réseaux sociaux, exceptée celle de toucher ses cibles par les outils de publications des pages (segmentée dans le cas des pages écoles de LinkedIn). .
Changement d’époque, changement de paradigme…

Quelles bonnes pratiques pour les écoles et universités sur LinkedIn for Education ?

Même si la marge de manœuvre est limitée, les universités et écoles ont tout intérêt à se préoccuper sérieusement de ce nouvel outil ; voici quelques bonnes pratiques à mettre en œuvre :
Les actions permettant d’améliorer le classement de son université :
– Faire en sorte que les étudiants actuels et anciens créent un profil LinkedIn (beaucoup de personnes n’ont pas de profils LinkedIn, surtout en France ou les plus de 40 ans sont très présents sur Viadéo) et renseignent dans leur profil son école / université. Cela permettra d’augmenter le nombre d’anciens sur sa page école, et donc potentiellement améliorer son classement. Cela peut se concrétiser par des ateliers, ce qui est évidemment intéressant pour l’étudiant ou l’ancien (car il peut améliorer ainsi sa présence et son activité sur LinkedIn) et pour l’université (car elle se place dans une perspective pédagogique sur les réseaux sociaux et que cela peut améliorer sa présence sur LinkedIn).
Les actions qui peuvent améliorer l’attractivité et l’image (et peut-être le ranking) : 
– Encourager les recommandations des anciens sur les pages écoles, même si celles-ci ne sont peut-être pas prises en compte par le classement, elles sont sans doute un élément de décision pour les futurs étudiants.
– Encourager les étudiants intéressés par une formation à créer un decision board, ce qui peut augmenter le nombre de personnes intéressées, et donc valoriser l’université. Cela peut se concrétiser par des plugins sur les pages formations des sites web
Attention, encourager ne veut pas dire forcer à la main, le but est simplement de faire savoir aux étudiants la possibilité de ces actions et leur utilité pour eux mais aussi pour leur université.
Les actions de communication et de veille : 
– Bien distinguer et segmenter le positionnement éditorial des trois espaces sur LinkedIn (groupes, pages entreprises et pages écoles) pour délivrer des messages adaptés aux cibles.
– Créer des cibles personnalisées sur sa page école afin de segmenter les messages par cibles (A noter toutefois qu’il n’est pas possible de toucher les personnes qui ont ajouté notre école au decision board, ce qui aurait été fort intéressant)
– Mettre en place une veille sur les positionnements de son école dans les différents classements 
– Mettre en place une veille sur les échanges visibles autour de sa page école (recommandations, commentaires et partages sur les decision board…)

Et après ?

Les questions restent nombreuses quelques temps après le lancement de ce nouveau service :
Doit-on craindre une LinkedIn-dépendance pour les établissements d’enseignement supérieur ?
Il est encore trop tôt pour le dire. Si d’autres fonctionnalités vont certainement se déployer progressivement, LinkedIn ne va certainement pas aller jusqu’à détailler les programmes de formations et proposer l’inscription via LinkedIn.
LinkedIn va t-il offrir aux écoles la possibilité d’engager des actions auprès des étudiants ayant ajouté son école au decision board ?
Cela serait une nouvelle donne tout à fait intéressante dans le recrutement étudiant.
 
Le classement de LinkedIn : prime aux grandes écoles ou revanche des petits établissements  ?
Même si le classement est fonction d’un pourcentage, ce qui devrait favoriser les écoles spécialisées et ne pas défavoriser les petites écoles, les grands établissements arrivent très souvent dans les top positions lorsqu’on teste le decision board.
Mais une chose est sûre : il est beaucoup trop tôt pour s’en faire une idée définitive !

Et vous, que pensez-vous de cette nouveau service ?
Si vous êtes étudiant, comptez-vous utiliser le decision board ?
Si vous travaillez dans l’enseignement supérieur, quel est votre point de vue ? Avez-vous identifié des enjeux – bonnes pratiques ?

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